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François Baucher
8 août 2017

Baucher par M.Henriquet (2)

Alors qu'en 1833 devaient encore exister des témoins de l'âge d'or, les milieux équestres français s'enthousiasmèrent pour celui qui écrivait que jusqu'alors « la science équestre n'existait pas et qu'elle était à créer... ». François Baucher formulait la base de sa méthode en 1842 : « Il faut détruire les forces instinctives et les remplacer par les forces transmises. » Par là, il entendait la destruction chez l'animal de la possibilité de résister en pratiquant sur le système musculaire des assouplissements partiels : flexions isolées de toutes les parties du corps, en place et à pied d'abord, puis à cheval.

Première manière

Une fois l'animal « décomposé », Baucher arrivait, à l'aide de « temps de mains » et de vibrations, jointes à l'enserrement du cheval par les jambes, aux attaques de l'éperon, de la cravache, à imposer un équilibre artificiel où le cavalier « ne portait rien dans les bras mais portait le cheval dans les jambes » (général L'Hotte). Le rassembler était l'aboutissement du préparer : « Le cheval assoupli, placé, léger et supportant les attaques, concentré à l'aide d'effets d'ensemble prolongés, toutes les forces de l'animal entre les jambes du cavalier, qui, dès lors, ayant toutes les forces transmises à sa disposition, en réglait le jeu à son gré. »

Utilisées par Baucher avec tout son génie, ces formules quasi mécaniques firent son immense réputation. L'Europe entière commentait sa méthode et connaissait ses chevaux. C'est en 1842 qu'eut lieu la fameuse tentative d'expérimentation de la méthode dans l'armée. Pour des raisons aussi politiques que techniques, elle fut un demi-échec et n'eut pas de suite officielle, malgré l'intérêt qu'elle souleva chez de nombreux officiers de cavalerie.

La plupart des disciples de Baucher – et ils étaient nombreux – obtinrent des résultats très inégaux ; ceux qui connurent une certaine renommée, qui devinrent même des écuyers réputés, firent preuve d'un sérieux déviationnisme.

Seconde manière

Après l'accident de 1855 qui le priva d'une partie de ses moyens, Baucher mit au point une seconde manière. Objectif et principes restant les mêmes, les moyens évoluaient vers une grande délicatesse et un usage plus réduit des forces du cavalier : élévation de l'encolure par soutien des poignets qui, en décontractant la mâchoire, provoque, au même titre que le ramener, un transport du poids vers l'arrière ; mains sans jambes et jambes sans mains ; appui progressif des jambes et des éperons ; décomposition de la force et du mouvement (s'arrêter et décontracter à chaque résistance) ; recherche de la légèreté aux jambes comme à la main ; suppression des éperons à cinq pointes, utilisation du mors de filet ; rétablissement de la légèreté par les « demi-arrêts » et vibrations.

L'inspiration de sa seconde manière semble être venue à Baucher le jour où il déclara : « Voyez le cheval courant dans la prairie, quelle souplesse et quelle légèreté dans les mouvements ! » Jamais le maître ne fut aussi près de la vérité : retrouver l'équilibre du cheval libre. On ne peut affirmer qu'il l'atteignit, puisque, à la suite de son accident, il cessa de présenter ses chevaux en public. En dehors de l'enthousiasme que Baucher exprima lui-même sur ses résultats d'alors, on ne possède que les témoignages de ses deux plus fidèles disciples : le général Faverot de Kerbrech et le général L'Hotte.

Il faut d'ailleurs reconnaître que si ces moyens eux-mêmes marquent un énorme progrès sur la première manière, ils ne permettent pas tous, semble-t-il, d'atteindre l'objectif fixé. On n'en est plus à opposer constamment les mains et les jambes pour créer par contrainte un équilibre artificiel, mais on reste loin de la conception rêvée : l'équilibre du cheval par lui-même, sous un cavalier dont la préoccupation est de n'intervenir et de ne se faire sentir qu'avec une discrétion totale.

La nouveauté du bauchérisme, sa précision didactique d'apparence scientifique étaient faites pour séduire la pensée du XIXe siècle. C'est par l'application d'aides parfois violentes, mais adroites, que Baucher obtenait les attitudes sollicitées. Il montait des chevaux pour la plupart de sang anglais, construits dans un équilibre artificiel plus propre à étendre qu'à rassembler. Les « bauchérisations » appliquées par l'auteur étaient de véritables prises auxquelles les chevaux devaient céder. Rien, toutefois, dans l'arsenal bauchériste, ne permet d'obtenir l'incurvation harmonieuse de l'ensemble qui assouplit et amène le cheval à s'équilibrer de lui-même.

Le bauchérisme fut incapable de survivre à ses excès, puis à ses contradictions. Il laisse cependant quelques principes valables : la mise progressive à l'éperon, l'absence d'opposition de mains et de jambes, les flexions à pied sur les chevaux contractés, un rassembler applicable aux chevaux raides et déséquilibrés, les balancers de la main qui redressent l'avant-main.

On sait ce que l'équitation actuelle n'a pas su garder de l'école de Versailles ; on voit chaque jour qu'elle n'a pas profité vraiment des derniers enseignements de Baucher, qui proscrivait les oppositions d'aides et prêchait la légèreté.

Rien dans la pensée et dans la technique contemporaines de l'art équestre n'est très nouveau et, en tout cas, en progrès sur ce qu'offraient les anciens. Au bilan des réalisations modernes, il faut porter les allures allongées et rasantes qui, si elles possèdent quelque intérêt sur les terrains de courses ou dans les déplacements hippomobiles, sont l'antithèse du rassembler, ce critère du parfait équilibre. La conséquence de cette décadence apparaît déjà dans les épreuves de dressage du plus haut niveau : le passage et le piaffer y sont pratiquement inexistants ou à peine ébauchés. Plusieurs membres des jurys internationaux officiels demandent déjà leur suppression des programmes de compétition. Ces airs sont cependant les preuves irréfutables de l'équilibre total qui hausse l'équitation au niveau de l'art.

Michel HENRIQUET

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